MARDI 1er OCTOBRE
20h • le 108
Soirée en présence des réalisateurs

LE CÅ’UR DU CONFLIT

Judith Cahen et Masayasu Eguchi
France, Japon | 2017 | 79 minutes | couleur et noir et blanc

En ouverture, sur fond de cheminées de centrale nucléaire, cette apostrophe : « Est-ce que vous semez demain si le monde vient à sa fin ? » Question pressante suivie d’une remarque d’Eisenstein soulignant que le conflit est le principe même du montage. Voilà d’emblée posée la matrice du film : le monde, son avenir dans un espace nucléarisé, d’une part, le cinéma en tant que représentation avec le montage comme mode opératoire, d’autre part.
Et Judith et Masa, devenus alter ego de fiction des deux cinéastes, flanqués parfois de leurs doubles, de nous embarquer dans une cascade de questions enchâssées. Elle la Française, lui le Japonais, couple et cinéastes, nous mènent dans un va-et-vient entre Paris, Fukushima et Hiroshima. Sont convoqués, de digressions en rebonds inattendus, Duras aussi bien que parents, enfants, désirs et peurs. Le conflit du titre se déplie en un mille-feuille, où interfèrent l’Histoire et « la question de l’intime vers le politique », se confrontent le désir politique, le désir d’enfant et le désir de film (« faire un enfant politique », suggère-t-elle), se contaminent les modes et les régimes d’images (journal filmé, documentaire, fiction). Un film auto-réflexif qui, sans se départir d’un ton burlesque, mâtiné d’auto-dérision et de (fausse ?) légèreté, avance, sinueux, selon les principes du questionnement, de la comparaison et de la contamination. Une fable politique où l’irradiation joue autant comme métaphore et principe que comme menace invisible et tangible.
Nicolas Feodoroff,
FID Marseille 2017